La Cour de cassation au secours du CAC 40

Publié le : 30/10/2023 30 octobre oct. 10 2023

Chacun d’entre vous fera évidemment, ce qu’il veut de nos commentaires ci-après, qui reflètent ce que des avocats, qui ont plusieurs années de pratique, pensent, lorsqu’ils prennent connaissance des deux arrêts rendus, le 12 octobre 2023, par la Cour d’appel d’Aix-en Provence, dont vous trouverez les motifs, en dessous, de ceux des arrêts, qui avaient été rendus, par cette même Cour, pour le premier, le 25 février 2021 et pour le second, le 29 juin 2021. 

Arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 25 février 2021, Le PHOENIX c/ AXA France IARD[1] : 

« l’application pure et simple de la clause d’exclusions aboutirait donc à ne pas garantir l’assuré des pertes d’exploitations subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et donc, à priver de sa substance l’obligation essentielle de garantie.
 
Comme le fait d’ailleurs remarquer la société intimée, l’assureur ne produit aucune pièce concernant le cas où sa garantie aurait joué en cas d’épidémie ».

Arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 12 octobre 2023[2] :

« une épidémie peut être la cause de la fermeture d’un seul établissement. En effet, les autorités administratives peuvent adopter une mesure de fermeture isolée s’appliquant à un seul restaurant au niveau départemental. Ainsi la fermeture administrative « individuelle » de l’établissement assuré pour l’un des cas énoncés dans l’extension de garantie reste un événement probable correspondant à un risque aléatoire assurable et pouvant mobiliser la garantie perte d’exploitation. La demande de nullité de la clause ne peut être accueillie ».

Arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 29 juin 2021, ZEN PRADO c/ AXA France IARD[3] :

« la police souscrite ne contient aucune définition des termes 'maladie contagieuse’ ou 'épidémie’ et il résulte des écritures des parties que, contrairement à ce qui est soutenu, la définition du terme 'épidémie’ n’est ni évidente, ni commune, puisque l’assureur considère qu’une épidémie peut toucher un nombre limité de personnes et être la cause de la fermeture administrative d’un unique établissement, tandis que pour l’assurée 'une maladie contagieuse transformée en épidémie car s’étant propagée’ a forcément des conséquences qui touchent un nombre important de personnes 'obligeant la fermeture d’autres établissements, au moins un autre » ;
 
« la clause d’exclusion de garantie susvisée nécessite une interprétation quant au sens du terme 'épidémie’ visé dans la clause d’exclusion comme 'cause identique', de sorte qu’elle n’est pas formelle et limitée au sens de l’article L 113-1. »
 
« Au surplus, la clause d’exclusion susvisée n’est nullement limitée puisqu’elle vise :
 tout autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, la notion 'd’autre    établissement’ étant particulièrement large(…) ».



Arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, du 12 octobre 2023[4] :

« l'ambiguïté du terme " épidémie " est sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'applique » ;
 
« de même, la clause mentionne au moins un autre établissement quelle que soit sa nature et son activité, ce qui est dépourvu d'équivoque sur l'absence de restriction et il n'y a pas lieu à interprétation dès lors que l'assuré est à même d'appréhender l'étendue de l'exclusion » ;
 
« la notion de cause identique est également parfaitement déterminable au regard du contenu du contrat et, par suite, compréhensible pour l'assuré » ;
 
« ainsi, le caractère formel ne fait pas défaut contrairement à l'argumentation soutenue par la société Zen Prado. »

Savoir que la justice française a, en l’occurrence, un double problème (il serait trop long d’énumérer les autres) :
 
  • d’abord, lorsque, seulement, quelques magistrats (10) prennent une position, totalement,  contraire à celle retenue, par des centaines d’autres, appartenant, certes, à des juridictions de rangs inférieurs (Tribunal Judiciaire, Tribunal de Commerce, Cour d’appel), même s’ils appartiennent, eux, à la Haute juridiction ;
 
  • ensuite, lorsqu’une Cour d’appel de renvoi composée, évidemment, d’autres magistrats, que ceux, qui avaient, déjà, statué, rend deux décisions, diamétralement, différentes, en se limitant à reprendre, sans faire preuve de beaucoup de courage, pour défendre, ce qui semblait être, pourtant, une conviction, les motifs, qui leur sont imposés, désormais, par la Haute juridiction, motifs, qui sont, pour employer une formule mesurée, plus que contestables, comme la lecture, en parallèle, des arrêts susvisés en atteste.

Quels que soient nos commentaires et notre sentiment (et, d’ailleurs, le vôtre), le résultat est que la Cour de cassation rend un grand service à une Société du CAC 40.

Cela ne grandit pas la Justice Française.


Auteurs : Philippe LEPEK, Associé, et Manel FARAH, Collaboratrice 
 
 
[1] Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 25 février 2021, n° 20/10357
[2] Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 12 octobre 2023, n°2023/267
[3] Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-4, 29 juin 2021, n° 21/00366
[4] Cour d’appel d’Aix-en-Provence, Chambre 1-3, 12 octobre 2023, n°2023/266

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